Le mariage forcé est considéré comme l'union de deux personnes dont l'une au moins n'a pas donné son libre et plein consentement au mariage. Il s’agit donc de mariages contractés sous la contrainte, la menace ou la violence1.

Dans de nombreux pays, notamment du continent africain, le mariage forcé ou imposé est une pratique très courante dont beaucoup de femmes cherchent à s’échapper, ce qui n’est pas sans conséquences.

Une protection existe toutefois pour elles à travers l’asile.

Illustration avec le cas suivant :

Madame G a été contrainte de s’enfuir de la Guinée en raison son opposition à un mariage forcé avec un conjoint violent.

Le 24 décembre 2018, elle avait déposé une demande de protection à l’OFPRA qui l’a rejetée par une décision du 16 janvier 2020 aux motifs que sa demande n’était pas convaincante.

Le 05 mai 2020, Madame G et son enfant ont été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle et ont fait par le biais du cabinet un recours conjoint devant la Cour nationale du droit d’asile.

Le 16 septembre 2020, à l’audience, tant par l’accompagnent fourni par Maitre Bara Carré que par les argumentations très claires développées par Madame G., la Cour a décidé de lui accorder à elle et à son enfant le statut de réfugié.

Extrait de la décision de la Cour

" Dans une population au sein de laquelle le mariage forcé est couramment pratiqué au point de constituer une norme sociale, les jeunes filles et les femmes qui entendent se soustraire à un mariage imposé contre leur volonté constituent de ce fait un groupe social. L’appartenance à un tel groupe est un fait social objectif qui ne dépend pas de la manifestation par ses membres de leur appartenance à ce groupe. Il appartient à la personne qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugiée en se prévalant de son appartenance à un groupe social de fournir l’ensemble des éléments circonstanciés, notamment familiaux, géographiques et sociologiques, relatifs aux risques de persécution qu’elle encourt personnellement. Par ailleurs, la reconnaissance de la qualité de réfugiée peut légalement être refusée, ainsi que le prévoit l’article L. 713-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, lorsque l’intéressée peut avoir accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine, dans laquelle elle est en mesure, en toute sécurité, de se rendre afin de s’y établir et d’y mener une vie familiale normale. [..]

Or les pièces du dossier et les déclarations faites à huis clos devant la Cour par Mme G ont permis d’établir les circonstances ayant prévalu à son départ de son pays d’origine. En effet, elle est revenue sur l’environnement traditionnel et conservateur dans lequel elle a évolué, sa mère s’étant également vu imposer son union avec son père et ayant conduit à ce que cette dernière s’enfuit, laissant l’intéressée au sein de sa famille paternelle.

Elle a livré un récit précis et personnalisé des circonstances dans lesquelles son père l’a informée du projet de mariage avec son cousin et des mauvais traitements qu’elle a subies suite à l’expression de son refus. Elle est revenue sur sa tentative de recours auprès de sa grand-mère et l’incapacité de cette dernière à influer sur la décision de son fils et père de la requérante. Ses propos concernant ses conditions de vie au domicile conjugal se sont, en outre, avérés constants et circonstanciés. Ainsi, elle a relaté avec force détails les mauvais traitements dont elle a été victime de la part de son époux, revenant sur les prétextes fallacieux qu’il employait pour justifier sa brutalité. De même, le décès de sa grand-mère, seul soutien moral, qu’elle a présenté comme l’élément déclencheur à sa décision de fuir est apparu crédible eu égard aux circonstances. Les modalités de son départ ont été, en outre, relatées de manière précise et tangible, la requérante ayant évoqué l’aide apportée par son amie qui a fui avec elle. En sus, elle s’est montrée crédible et convaincante s’agissant de ses craintes à l’égard de la société en général. A cet égard, elle est revenue sur l’opprobre subie par sa mère lorsqu’elle a quitté son père du fait de son refus de faire perdurer cette union qui lui avait été imposée, ne pouvant, au demeurant, partir avec son enfant. Il apparaît ainsi que la requérante a établi sa soustraction au mariage qui lui avait été imposé et les persécutions qui ont résulté pour elle liées à cette union forcée.

[…]

Ainsi, il résulte de l’ensemble de ce qui précède que Mme G peut être regardée comme craignant avec raison, au sens des stipulations précitées de la convention de Genève, d'être persécutée par la société guinéenne et son époux, en cas de retour dans son pays, en raison de sa soustraction à cette union imposée, sans pouvoir se prévaloir utilement de la protection des autorités de son pays. Dès lors, elle est fondée à se prévaloir de la qualité de réfugiée.

CNDA, 7 octobre 2020, (1ère section,1ère chambre), nos 200117468, N°20017467"

Pour vous accompagner dans vos démarches : Lien